C'était en janvier dernier. Une line-up composée de quatre Russes et d'un Lituanien, sortie de la qualification ouverte du Minor CIS, surprenait la planète Counter-Strike en obtenant son statut de Légende en Major. Sur sa route, elle se débarrassait de Flash Gaming, achevait une équipe d'EnVyUs forcée de jouer avec son coach maLeK en raison d'un RpK malade, éliminait AVANGAR qui l'avait battu en finale du Minor quelques semaines plus tôt, collait 16-3 à Virtus.pro, venait à bout de Gambit en prolongation, et concluait par un comeback magistral contre mousesports, de 2-13 à 16-14 sur Train.

En quart de finale, elle se fera sortir sèchement par Na'Vi, 4-16 / 7-16. Mais ce n'était presque qu'un détail. Elle avait dépassé depuis longtemps tous les espoirs placés en elle. Et, plus important, elle avait aussi déjà assuré sa présence dans le top 16 du prochain Major.

Je n'arrive pas à croire ce qu'il se passe. Je ne pouvais même pas en rêver, devenir Légende à mon premier Major. Quand on est arrivé, le principal objectif était de ne pas finir en 0-3 à la première étape, vraiment. Je ne sais pas ce qui est en train de se passer ici. Il y a un mois, on perdait en ligne contre du tier 5, on avait des mauvais résultats, on n'arrivait pas à trouver notre jeu, on a joué en bootcamp pendant un mois, on perdait beaucoup de praccs. Et quand on a joué ici, tout était bien...  Je ne sais pas quoi dire, vraiment. waterfaLLZ, sur HLTV après la qualification des siens

Cette équipe, c'est Quantum Bellator Fire. Les cinq joueurs, waterfaLLZ, Boombl4, jmqa, balblna et Kvik, n'ont pas changé depuis l'ELEAGUE Boston Major de janvier. Ils ont toutefois trouvé une nouvelle structure pour les soutenir, Winstrike. C'est sous ces couleurs qu'ils referont leur apparition dans le tournoi qui les a révélés au monde. Peuvent-ils rééditer leur performance ? Les neo-Winstrike seront-ils aussi surprenants que les ex-QBF ? Le doute est permis.

Le Lituanien de l'équipe, Kvik, était encore sur un nuage après le dernier match contre mousesports en janvier dernier

Il est même plus que permis car cette place de Légende est loin d'avoir bouleversé le quotidien de cette formation. Elle ne dispute pas plus de tournois prestigieux, continue de zoner dans les compétitions de l'est de l'Europe et n'a jamais confirmé son résultat prometteur. L'ELEAGUE Boston Major apparaît, encore aujourd'hui, comme un énorme oneshot, deux semaines où tout roulait à merveille pour cette équipe. Mais deux semaines figées dans le temps, que les joueurs n'ont jamais su reproduire.

Pourtant, QBF a pu compter sur sa prestation pour bénéficier de quelques invitations intéressantes. Elle s'est retrouvée conviée à plusieurs qualifications prestigieuses, sans jamais réussir à montrer le niveau qui lui avait permis de finir dans le top 8 du Major. Pour les qualifications des IEM Katowice, elle bat LDLC mais s'incline contre Sprout et Epsilon. Ces deux mêmes équipes prennent encore le dessus sur la route des IEM Sydney. Pour la DreamHack Masters Marseille, c'est Valiance qui lui dit stop dès le premier match de la qualification fermée, où elle avait été invitée.

La Copenhagen Games lui offre même une place directe pour son tournoi, lui faisant ainsi éviter un BYOC piège où LDLC, Red Reserve, ALTERNATE ou Rogue tomberont. Las, QBF perd ses trois Bo3 face à Windigo, Heroic et North, sauvant l'honneur en arrachant une carte à cette dernière. S'il y a parfois du mieux, comme ces demi-finales atteintes lors des qualifications fermées pour la DH Tours, la cinquième saison de StarLadder i-League et l'Adrenaline Cyber League, QBF peine à décoller et à assumer son nouveau statut.

Le constat s'améliore toutefois un peu au printemps. En mai, elle remporte le Saint-Petersburg IMPULSE CS:GO CHAMPIONSHIP, un tournoi russe à 5 000 $ de cashprize. Seul bémol, l'opposition, composée de subtop russe inconnu du grand public, reste assez faible et ne confère pas à ce succès une très grande valeur.

Une première place reste quand même toujours bonne à prendre

Deux semaines plus tard, au Portugal, lors du Moche XL Esports, elle fait mieux en battant les Movistar Riders, 2-0, avant de s'incliner sans surprise sur le même score face à des SK Gaming bien au-dessus.

Ce résultat sera le dernier sous les couleurs de Quantum Bellator Fire. En effet, dans une discrétion totale, aucune annonce officielle n'ayant véritablement eu lieu, les joueurs filent chez Winstrike, une nouvelle organisation russe. Pour sa première sortie avec son nouveau maillot, l'équipe ne fait pas vraiment bonne impression en terminant dernière de sa poule aux finales Europe de la ZOTAC Cup Masters, après des défaites face à Kinguin et Não Tem Como. Elle se reprend en dominant forZe dans un Bo5 accroché, disputé à Moscou dans le cadre de la finale de la M.Game League #2, une compétition dotée de 10 000 $ de cashprize. Battue en finale du loser bracket par ces mêmes forZe, Winstrike ne devait pas jouer ce match pour le titre mais le forfait de Vega Squadron, autre finaliste, lui permet d'être repêchée et de s'emparer du trophée.

Ce sera l'avant-dernière sortie de la formation avant qu'elle ne se mette en mode sous-marin pour le Major. La dernière, c'était encore à Moscou, fin juillet, lors de la MID.TV Cyber Cup, un tournoi regroupant 16 équipes de la région CIS. Winstrike s'inclinera en demi-finale contre DreamEaters, qui ira gagner le tout. Ensuite, la line-up terminera début août ses derniers matchs en ligne et depuis, plus rien. Un peu à la Vega Squadron ou à la FlipSid3, Winstrike n'a plus donné signe de vie plus d'un mois avant le Major et va désormais tout miser sur la défense de son statut de Légende.

Au moins, ça fera de jolis stickers

Pourtant, au vu de ses résultats en 2018, réussir à conserver cette distinction semble relever de l'impossible. En fait, réussir à gagner une seule rencontre serait peut-être déjà un succès pour Winstrike, tant le fossé entre le niveau qu'elle a montré cette année et celui du Major semble grand. À Boston, elle avait étrillé Virtus.pro, vaincu Gambit et coiffé mousesports sur le fil. Depuis, elle a perdu contre un nombre incalculable d'équipes du subtop européen ou CIS et n'a que très rarement donné des signes encourageants. Le statut de Légende n'a changé ni son jeu, ni ses performances.

La théorie du oneshot de Boston semble plus que jamais être la bonne. Mais ce résultat, aussi éphémère fut-il, a offert à ces cinq joueurs du subtop une nouvelle occasion d'évoluer parmi les meilleurs. En plus des précédents mois, qui leur ont permis de disputer des compétitions auxquelles ils n'auraient sans doute jamais eu accès en temps normal. Les Winstrike ne reviendront probablement jamais dans des sphères aussi élevées. Alors qu'ils ne pensent à rien et donnent tout. Tellement de monde rêverait d'être à leur place. Eux y sont et n'ont plus qu'à en profiter.