Brèves

WebTV

Actualité de la scène

Compétitions



Carmac : "On parle beaucoup de la France"

13752 9
Page 1: Version française

Michal "Carmac" Blicharz est un acteur important en plus d'être un personnage emblématique du sport électronique mondial. Grand fan de Quake, il est devenu rédacteur en chef pour SK Gaming avant d'être remplacé par Thorin. Se démarquant par une créativité rare dans le milieu, il a imposé un style très original avec notamment pas mal d'humour. Chez ESL depuis 2009, il est l'une des grandes raisons derrière le succès des Intel Extreme Masters qu'il gère d'une main de maître. Rencontre avec l'homme qui pourrait donner à la France sa première étape dans le circuit IEM. 

Bonjour Michal, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. Première question banale, peux-tu te présenter rapidement pour nos lecteurs ne te connaissant pas encore ? 

Salut ! Je suis Vice Président de la section Pro Gaming chez ESL Amérique du Nord et je gère également les Intel Extreme Masters, une des plus anciennes compétitions eSport. L’essentiel de mon métier consiste à organiser des événements et de s’assurer qu’ils divertissent au mieux la communauté. Avant, j’étais journaliste eSport, je parcourais le monde pour interviewer des gens.

Journaliste notamment chez SK Gaming, tu es rentré chez ESL et tu occupes désormais depuis plusieurs années le rôle de directeur des IEM. Peux-tu nous décrire ton parcours chez ESL pour en arriver là où tu es aujourd'hui ? 

C’est assez amusant. ESL m’accordait un entretien pour le poste de rédacteur en chef de leur site et j’ai précisé que j’aimerais m’investir dans les IEM. Celui qui s’en occupait à ce moment-là quittait la société pour finir son diplôme universitaire. Du coup, ils m’ont confié tout le management des IEM alors que je n’avais aucune d’expérience dans ce milieu. Rien ne pouvait prédire que je serais bon à ce poste mis à part le pressentiment du patron d’ESL !

En juillet 2015, Modern Times Group a racheté l'ESL. Plus d'un an et demi après, peux-tu nous dresser un bilan de cette acquisition ? As-tu ressenti un réel avant/après ? 

Beaucoup de sociétés voulaient acquérir ESL mais MTG a été retenue de par leur compétence dans le secteur des médias. La grosse différence entre l’avant MTG et l’après réside dans le fait qu’ESL a dorénavant libre accès à toutes ces compétences.

MTG a également racheté DreamHack AB. Comment collaborez-vous avec eux. Existent-ils des passerelles entre DreamHack Masters et IEM ? Des moyens de production mis en commun ? 

Je pense qu’il aurait été dommage de ne pas créer un écosystème avec Dreamhack sur le long terme, nous aurions fini par nous manger entre nous. La scène CS:GO rencontre les mêmes problèmes que celle de Starcraft II en 2011, on voit les mêmes équipes s’affronter toutes les semaines dans différentes compétitions à un tel point que certains pensent que c’en est trop.

C’est dorénavant difficile d’être excité à l’idée d’un Virtus.Pro vs. Fnatic car ces deux équipes peuvent se faire face quasiment toutes les semaines. A cela s’ajoute tous les autres matchups similaires, c’est très compliqué à suivre. Je comparerais ça à essayer d’écouter un titre alors que quelqu’un en joue quatre en même temps à côté de toi. C’est dur de se concentrer sur la mélodie et de la suivre.

Peut être que nous devrions essayer de jouer plusieurs airs qui aillent ensemble, ce serait bénéfique pour tout le monde.


Carmac interviewé par la célèbre sjokz

Depuis le rachat d'ESport Service (ESEA etc...) par ESL, tu travailles dans les studios américains d'ESL à Burbank. Est-ce que cela a été un choix difficile d'aller vivre outre-atlantique ? 

C’était pas si difficile que ça puisque j’estimais avoir fait mon temps en Allemagne. Je voulais tenter quelque chose de nouveau avant que ma fille ait l’âge d’aller à l’école car je comptais rentrer en Pologne à ce moment là, et je dois dire que c’est vraiment une superbe aventure en terme d’expérience de vie.

Ressens-tu des différences notables entre Polonais, Allemands et Américains dans leurs points de vue sur l'eSport ou existe-t-il une sorte de "culture occidentale commune de l'esport" ? 

Je pense qu’il y a un gros problème entre la vision Américaine du sport et entre ce qui peut marcher pour l’eSport comparé aux Européens. En Europe, les différences en terme de structure sont très diversifiées et nous sommes habitués à rencontrer plusieurs formats. En Amérique, tout est franchises, équipes universitaires, détections et drafts. Et celà ne convient pas très bien à l’eSport.

Si vous voulez avoir une version eSport de la NFL, vous devez avoir un apport de sang neuf sur le long terme. Au basket et au football (US), ce sont les universités qui apportent ce lot de joueurs. C’est logique puisque vous êtes au maximum de votre condition physique juste avant de rentrer en université. Mais dans l’eSport, ce pic est atteint quelques années avant les études supérieures, donc ce n’est pas dans les universités que vous trouverez le prochain n0thing.

Vous avez donc un problème si vous adoptez un système fermé comme la NBA: cet apport de nouveaux talents. C’est juste un exemple bien entendu.

Les IEM étaient le grand produit made in ESL jusqu'à l'arrivée de l'ESL One. On peut même ajouter désormais les DreamHack Masters. Ce sont finalement les trois produits phares en terme d'évenementiel pour le groupe MTG. Existe-t-il une sorte de rivalité interne entre ces trois branches ? Travaillez-vous en inter-dépendance ou chacun est réellement autonome de manoeuvrer comme il le désire ? 

D’après moi, quelqu’un qui dit qu’il n’y a pas de rivalité n’a aucune ambition ! Lorsque vous voulez produire quelque chose de qualité, vous regardez autour de vous vous faites une idée de cette “qualité” pour ensuite essayer de faire mieux. De ce fait, tous les événements eSport sont en concurrence.

L’avantage c’est qu’il est possible d’essayer plusieurs choses et de voir ce qui fonctionne et pourquoi. Par exemple, les IEM comportent 12 équipes et 2 groupes joués en round robin. Les ESL One New York ont fait participer 8 équipes sur le format d’une ronde suisse. Il n’y a pas de modèle de référence pour l’eSport et c’est très utile pour la scène de tester différent formats afin de voir ce qui marche et sous quelles conditions. C’est la même chose que Valve qui a deux approches différentes entre CS:GO et DotA 2, et ça fonctionne.

Très beau discours durant la cérémonie d'ouverture des IEM 2016 (starts around 6:00)

Il n'est désormais plus secret que Valve souhaite que ses Majors soit attribué à des événements mono-jeu, ne mettant en avant que CS:GO. Cela met quasiment hors-jeu chaque étape IEM qui historiquement accueille au moins deux jeux à chaque fois. Quel est ton regard sur cette décision et as-tu eu des négociations avec Valve sur ce sujet précis ? 

Je pense que baser tous nos espoirs sur la possibilité d’organiser un major Valve serait un très mauvais business model. S’il y’a un jour l’opportunité de faire d’un événement IEM un major, je serais heureux de la saisir. Nous n’avons pas négocié cela avec Valve parce qu’ils ont un processus de prise de décision très bien réfléchi. Si tu comprends leurs priorités, tout ce qu’ils font s'additionne plutôt bien.

MLG, ELeague, les concurrents sur le marché nord-américain voire mondial sont bel et bien là. Y a-t-il réellement de la place pour tous ces acteurs et n'as-tu pas peur que la bulle crée par ces nombreux investisseurs n'explose ? 

En général, la compétition est positive. C’est absolument fantastique pour les fans parce que si l’ESL assure, quelqu’un d’autre doit faire mieux la prochaine fois. Je pense que la seule chose dont il faut avoir peur c’est que des personnes soient irresponsables avec de l’argent qui ne provient pas d’une source de revenus durable. Je pense que le concept de bulle s’applique à l’esport en ce moment. A long terme, ce sont les sociétés avec l’approche la plus saine qui auront la meilleure chance de survie dans cet environnement.

Le problème de saturation de la scène CS:GO se pose de plus en plus. Nous avons de potentielles finales de Major quasiment chaque soir sur internet. Est-ce une problématique majeure pour toi dans l'optique de créer de l'intéret autour des IEM où par exemple Fnatic va rencontrer Virtus.Pro pour la 5ème fois de la semaine (ironie) ? Comment remédier à cela et créer des storylines convaincantes ? 

Je pense vraiment qu’il y a trop de contenu disponible. Les tournois doivent travailler les uns avec les autres pour arranger ça mais la vérité c’est qu’il n’y pas assez d’intérêts communs pour que ça se fasse. L’un des problèmes est que pour remplir un stade, tu dois avoir les meilleures équipes présentes. Tu fais ça en les invitant. Ca veut dire qu’il y a beaucoup de tournois majeurs mais qu’en plus, on y retrouve souvent les mêmes équipes. Ce qui empire encore les chose c’est que les gros tournois se suivent et se ressemblent avec un même format et les mêmes équipes.

Nous sommes tous coupables à ce niveau-là mais ce n’est pas réaliste d’éviter un système d’invitations dans un monde où tout le monde l’utilise. Sur le long terme, on veut organiser des qualifications offline pour nos événements pour permettre à plus d’équipes de progresser et challenger les meilleures. Je pense qu’un mix, d’invitations et de qualifs lans très relevées, est le bon format pour les tournois.

C’est aux organisateurs de travailler ensemble pour créer des histoires convaincantes mais c’est évidemment très compliqué !



Carmac n'a pas peur de prendre le micro en face des audiences 

Spodek Arena, Oracle Arena, MSG. L'eSport s'invite de plus en plus dans les plus grandes salles du monde. hastr0, owner d'EnVyUs, évoquait la possibilité de construire sa propre salle, son propre stade dédié à EnVyUs. Crois-tu que cela serait une composante du futur de l'eSport ? Pourrions-nous avoir des matchs à domicile et à l'extérieur dans un stade d'une équipe concurente ? Les rachats d'équipes par des franchises sportives bien établis pourraient aller dans ce sens ? 

Non, je ne pense pas que cela arrivera dans un futur proche. Retransmettre en direct coûte très cher et ce que tu suggères signifie qu’un certain nombre d’équipes paieraient chaque semaine ou toutes les deux semaines une dizaine de personnes pour retransmettre en direct de leur studio. Je ne pense pas que ça soit viable sans un public très large qui viendrait de manière régulière. Je ne pense pas que l’esport en soit déjà là.

Si tu prends en considération que différentes jeux sont populaires dans différentes régions, et que les jeux continuent à perdre des fans au fil du temps, construire un stade cher à un endroit est un risque. Cela dit, c’est l’esport. C’est difficile de tenir pour vrai sans avoir essayé Je suis peut être juste un blaireau avec une vision limitée !

Où rêverais-tu d'organiser un évènement ? 

Je dois avouer que certains de mes meilleurs moments esports en tant que spectateur étaient en France. Mon premier événement majeur était l’ESWC 2003 à Poitiers et il m’a fortement marqué, mais il y a aussi eu l’ESWC en 2005, le Blizzard Worldwide Invitational en 2008 et quelques autres événements. De bons événements et de bons souvenirs ! J’aimerais réaliser un événement dans un grand stade à Paris pour voir si l’on peut faire aussi bien, voire mieux. Il faut que tous les voyants soient au vert pour que cela arrive.

L'ESL France a construit ses propres studios à Paris afin de retransmettre et produire du contenu. Le partenariat avec Vivendi ouvre la possibilité d'événements dans de mythiques salles parisiennes. Peux-tu nous en dire plus là dessus ? Peux-tu nous confirmer que nous aurons enfin des IEM sur le territoire français ? 

Nous avons eu un événement IEM Challenger à Paris Game Week qui a très bien marché il y a quelques semaines. C’est signe positif pour le futur. On parle beaucoup de la France avant chaque saison IEM. C’est tout ce que je peux dire.

Tu as été un journaliste célèbre. Quel est ton regard sur la création de contenu dans l'eSport ? Ne trouves-tu pas qu'il existe un réel manque de contenus rétrospectifs dans un milieu où la très grande majorité des gens est nouvelle et n'a pas la connaissance des gloires passées ? 

Le journalisme dans sa globalité fait face à beaucoup de challenges. Cela n’a pas d’importance si tu es le premier à écrire une histoire. Quelqu’un sur twitter avec beaucoup de followers partagera l’information une heure plus tard et personne ne visitera ton site. Être le premier a révéler une information n’a aujourd’hui plus la même valeur. Aujourd’hui, être pertinent et intéressant comptent plus que de fournir l’information aux gens. Offrir des bonnes analyses n’a jamais été aussi important. On peut retrouver l’information partout.

CS:GO, League Of Legends sont les principaux chevaux de bataille des IEM. Penses-tu que ces deux titres puissent s'inscrire dans la durée sur plusieurs années ou forcément d'autres jeux prendront le dessus ? Si oui, vois-tu déjà du potentiel dans quel jeu ou quel genre de jeu ? 

Cinq ans, c’est presque la moitié de l’histoire des IEM. C’est vraiment difficile de prédire ce genre de choses, mais nous sommes rentrés dans un âge où les jeux ont une longue durée de vie et continuent à grandir, alors qu’avant, les jeux perdaient en popularité avec le temps. C’est vraiment différent de ce qu’il se passait avant. Mais je ne suis pas un charlatan, je ne vais pas vous prédire où l’industrie sera. Je pense que quiconque vous dira avec confiance où sera l’esport dans cinq ans est un sac à merde !


Carmac dans le rôle d'un journaliste idiot lors d'une interview du joueur SC2, EG.Machine

Dernière question, où est Uszat ?! Il nous manque énormément !

Cela demande beaucoup de travail de se mettre dans la peau du personnage Uszat afin qu’il reste frais et original. Je manque de temps ces derniers jours mais j’adorerais faire revivre ce connard.

Vous pouvez suivre Michal sur son Twitter : @mbCARMAC

Traduction par illy et gubbs

Page 1: Version française
... Commentaires en cours de chargement ...

Vous devez posséder un compte VaKarM et être connecté pour commenter les articles