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Katowice et les Français, une histoire compliquée

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Alors que le troisième jour des IEM Katowice 2022 débute, les six Français engagés dans la compétition (apEX, ZywOo et misutaaa avec Vitality, JaCkz avec G2, shox avec Liquid, NBK avec MOUZ) sont tombés en loser bracket et vont devoir sérieusement cravacher pour atteindre les play-offs puis le dernier carré. Seul ALEX, dont un bout du coeur est teinté de bleu-blanc-rouge, défend quelque peu l'honneur français en winner bracket de la poule B avec fnatic.

Bref, les tricolores ne sont pas à la fête à Katowice... Et ça fait quasiment huit ans que ça dure. Rendez-vous majeur de la scène CS:GO depuis son apparition en 2014, le tournoi polonais n'a jamais vraiment réussi aux équipes françaises, qui sont plus souvent rentrées dans la mythique Spodek Arena avec un billet de spectateur qu'en tant que prétendantes au titre.

IEM Katowice 2013 : des Français absents

Littéralement absents. Si Katowice a véritablement débuté son histoire avec Counter-Strike en 2014 en accueillant un Major, ESL avait déjà testé la ville polonaise un an plus tôt, y organisant une petite confrontation entre quatre équipes, déjà à la Spodek Arena.

Trois formations polonaises et une étrangère avaient donc inauguré le lieu, pour une victoire d'ESC Gaming (NEO, TaZ, pasha, Loord, kuben) devant les myDGB de GuardiaN et .PhP, légende de CS:S qui prendra sa retraite quelques mois plus tard. Pas de résultats probants pour les Français donc, mais comme ils n'étaient pas au programme, difficile de leur en vouloir.


CS:GO en 2013, c'était ça

EMS One Katowice 2014 : une immense désillusion et un cauchemar à la Spodek

Les choses sérieuses commencent en 2014 lorsque Katowice est désignée comme ville-hôte du deuxième Major de l'histoire de CS:GO. Deux line-up françaises sont invitées d'office grâce à leurs résultats du précédent Major, Titan (Ex6TenZ, SmithZz, NBK, ScreaM, shox) et Team-LDLC (Happy, Uzzziii, Maniac, KQLY, apEX). Une troisième parvient à intégrer les participants suite à la phase de qualification, Clan-Mystik (HaRts, kioShiMa, Sf, GMX, kennyS). Sur ces trois, deux ne franchiront pas les poules, jouées entièrement en Bo1 parce qu'à l'époque Valve s'en foutait encore plus qu'aujourd'hui.

Clan-Mystik parvient à surprendre des Na'Vi encore en rodage, mais cède deux fois contre les Américains de Complexity. La vraie déception viendra toutefois de Titan, évidemment, considérée comme l'une des grandes favorites du tournoi et qui perdra une première fois contre Virtus.pro, intenable à domicile, puis une seconde face à HellRaisers après des vétos ratés et un trentième round perdu au temps. Cet échec sera un tournant majeur pour Titan, dont les joueurs venaient de devenir professionnels à coups de 800 euros par mois et de gaming house. Par la suite, jamais l'équipe ne retrouvera son statut d'antan.

Dans l'interview réalisée dans le cadre du magazine VaKarM, Ex6TenZ parle encore de cette mésaventure comme l'une des pires de sa carrière (oui, on tease un peu). Compréhensible, surtout quand on connaît la suite, avec la "malédiction Titan" aux Majors et son aura sur la scène française qui n'aura de cesse de décliner :

Nous voilà donc partis sur Inferno qui est leur meilleure carte, et on perd 16-14. Je ne sais pas à quel point c’est débile (rires). Même maintenant, ça me fout les nerfs. Il y a peu de moments dans ma carrière qui me foutent les nerfs, mais ça, c’est incompréhensible. Il y a une série de décisions de merde qui me passe au-dessus de la tête.

Sur ce tournoi, on a trois maps où on est injouables et deux où on est nuls. Mais avec trois cartes, tu peux aller loin (ndlr : à l’époque, il n’y avait que cinq cartes dans le map pool compétitif). On était tellement forts sur certaines cartes qu’en bo3 on aurait mis que des 2-1. Ce qui aurait même pu nous enlever la pression sur les cartes où on n’était pas bons. Donc regrets de fou.

Reste Team-LDLC. La bande d'Happy franchit les poules malgré une frayeur contre les Danois de 3DMAX et se retrouve dans l'arbre final face à Virtus.pro. Mauvaise pioche. Chez eux, les Polonais sont déchaînés. Le quart de finale tourne à la correction. Sur sa map, Mirage, VP ne perd pas un seul round en attaque (!) et passe tout près du 16-00. Sur la carte adverse, Inferno, quasi-rebelote avec une défense qui inscrit 13 rounds. En moins d'1h30, le bo3 est bouclé, 16-03 / 16-08. LDLC arrive à temps pour attraper le même avion que ses compatriotes.

Bilan : top 5/8 pour Team-LDLC, top 9/12 pour Titan et Clan-Mystik.


Officiellement la vidéo la plus triste de l'histoire du CS:GO français

 

ESL One Katowice 2015 : un titre perdu et un nouvel échec prématuré

Terminé le temps où la France affichait trois équipes en Major. En 2015, il n'y en a plus que deux : EnVyUs (Happy, NBK, shox, SmithZz, kioShiMa), tenante du titre dans les tournois de Valve suite à sa victoire à la DH Winter 2014 sous les couleurs de Team-LDLC, et Titan (Ex6TenZ, kennyS, Maniac, apEX, RpK).

Pas de bol, le tirage au sort place les deux écuries face-à-face lors du match d'ouverture. Titan semble tenir le bon bout pour faire chuter son rival national mais craque au pire moment possible, alors qu'elle menait 14-12. EnVy inscrit les quatre derniers rounds et envoie son concurrent en loser bracket. Ce dernier vivra un nouveau cauchemar face aux modestes PENTA, 04-16, et sera une nouvelle fois sorti dès les poules. Bien triste retour pour RpK.

EnVy assure de son côté sa place en quart de finale en battant LGB. En play-offs, Na'Vi lui pique Dust2 de justesse, 16-14, mais ne résiste pas aux Français sur Inferno et Cobblestone, 16-12 et 16-03. nV retrouve ensuite son meilleur ennemi, NiP, qu'elle a pris l'habitude de battre à sa guise. Mais en Major, les Ninjas se transcendent et Katowice 2015 n'échappe pas à la règle. Alors Xizt sort des punchlines, allu boit du Red Bull et tout ça fait 16-09 sur Cache et 16-10 sur Dust2. Les Suédois éteignent leur adversaire, se réservant le droit d'aller faire vibrer la Spodek Arena le jour de la finale.

Bilan : top 3/4 pour EnVyUs, top 13/16 pour Titan.


Une victoire comme ça, ça mérite bien un lever de Xizt

 

IEM Katowice 2016 : une édition à oublier

Léger changement de décor en 2016. Katowice entre officiellement dans le circuit des IEM mais perd son statut de Major. Tant pis, le prestige est toujours là. Malheureusement, on tire la tronche côté français. Un seul représentant est présent, EnVyUs (Happy, NBK, kioShiMa, apEX, kennyS), et il commence à cumuler les soucis en interne. Le déplacement en Pologne ne va qu'amplifier le problème.

Le 3 mars, EnVy a cinq bo1 à jouer et une place dans les trois premiers de sa poule à aller chercher. À 12h, tout le monde sourit. À 21h, tout le monde pleure. Les Boys in Blue passent complètement à travers, accrochant un seul petit succès face à FaZe pour quatre défaites contre Astralis, Virtus.pro, Tempo Storm et E-Frag, alors qu'ils apparaissaient pourtant comme de sérieux prétendants à la qualification pour les play-offs. "C'était très mou, très désordonné, il manquait cette chose qui faisait de notre équipe une vraie équipe, plus que juste cinq mecs qui se baladent sur un serveur" déplore NBK, leader de l'escouade depuis quelques semaines.

Le 8 mars, EnVyUs annonçait le remplacement de kioShiMa par DEVIL. Cette lan n'aura pas été complètement inutile.

Bilan : top 11/12 pour EnVyUs.


Meilleure ambiance en interview que sur le serveur

 

IEM Katowice 2017 : y a quelqu'un ?

Oui, il y a kioShiMa ! Un an après son éviction, le "problème" d'EnVyUs a rebondi chez FaZe Clan (kioShiMa, rain, allu, karrigan, NiKo) et se trouve être l'unique tricolore présent à Katowice. Les deux grandes équipes françaises d'alors, G2 (shox, bodyy, apEX, kennyS, NBK) et EnVyUs (Happy, SIXER, RpK, ScreaM, xms), se remettent tout juste du grand shuffle de début 2017 et aucune ne parvient à franchir la qualification européenne pour s'envoler vers la Pologne.

kioShiMa va défendre vaillamment la patrie. FaZe termine en tête de son groupe après avoir survécu à un tie-breaker face aux Danois d'Astralis et aux Brésiliens d'Immortals, avant de battre à nouveau ces derniers en demi-finale. Lors de la grande finale, Astralis, auréolée de son premier titre en Major deux mois plus tôt, confirme sa belle forme et prive kioShiMa et les siens d'un titre, 16-09 / 12-16 / 12-16 / 13-16.

Bilan : top 2 pour kioShiMa avec FaZe Clan.


FaZe version Katowice 2017 : karrigan, NiKo, allu, kioShiMa, rain

 

IEM Katowice 2018 : un bo1 et puis plus rien

Les plus belles heures de la scène française sont définitivement derrière elle. Fini d'avoir au moins deux formations dans chaque gros événement, on est déjà content qu'il y en ait une, surtout en 2018, terrible année pour le CS tricolore. Cette fois, c'est G2 (shox, bodyy, apEX, kennyS, NBK) qui s'y colle, EnVyUs (Happy, SIXER, ScreaM, kioShiMa, VKLL) étant restée bloquée dans la qualification européenne.

La "superteam" va bien débuter lors du bo1 inaugural, 16-12 contre Virtus.pro. Et ça s'arrête là. Dans un format similaire à celui d'aujourd'hui, deux revers en poules sont synonymes d'au revoir. G2 va doublement trébucher contre les Suédois, 1-2 contre fnatic puis Ninjas in Pyjamas. Une nouvelle désillusion après l'ELEAGUE Major de début d'année, où le non-match et l'élimination contre C9 en quart avaient déjà été difficiles à digérer.

Le 4 mars, apEX insiste en interview, malgré les résultats mitigés : "Ce n'est pas dans notre projet de faire un changement". Rassurant : l'équipe veut continuer ensemble. Littéralement cinq jours plus tard, shox est écarté, le coach SmithZz aussi, un sniper espagnol (mixwell) débarque de quasiment nulle part et NBK prend le lead. Bouleversement total. Une nouvelle fois après 2016, Katowice aura servi de croque-mort à une line-up tricolore.

Bilan : top 9/12 pour G2.


La superteam ne disputa qu'une seule édition de Katowice

 

IEM Katowice 2019 : toujours pas de Spodek

Katowice remonte la hiérarchie en 2019 puisque l'événement polonais redevient un Major. Et la France répond présente : G2 (shox, bodyy, kennyS, JaCkz, Lucky) est directement invitée, Vitality (apEX, RpK, ZywOo, NBK, ALEX), qui vient de débarquer sur Counter-Strike, se qualifie, et le voyageur kioShiMa se fait une petite place chez Cloud9 pour prendre part à la compétition.

Le Challengers Stage se passe parfaitement : tout le monde reste en vie ! Pour mieux perdre au Legends Stage. G2 est mise dehors la première avec une seule victoire au compteur pour trois défaites. Vitality résiste jusqu'à la dernière ronde mais doit s'incliner face à Ninjas in Pyjamas, pareil pour kioShiMa et C9 contre FaZe. Encore une fois, aucun Français ne connaîtra les joies de la Spodek Arena. Frustrant.

Et comme le veut désormais la tradition, les changements suivent Katowice : G2 écarte bodyy au profit d'AmaNEk, kioShiMa termine là son aventure avec C9.

Bilan : top 9/11 pour Vitality et kioShiMa avec Cloud9, top 12/14 pour G2.


Premier Major pour Vitality à Katowice 2019

 

IEM Katowice 2020 : on retrouve la banane mais le Covid fait coucou

2019 était une parenthèse, Katowice n'est à nouveau plus un Major en 2020. Vitality a changé un joueur depuis l'année précédente (NBK par shox) et G2 s'est internationalisée : l'écurie arbore toujours le drapeau français mais compte désormais dans ses rangs deux étrangers, le Serbe nexa et le Bosnien huNter, à la place de shox et Lucky.

Un mélange atypique qui va payer. Dans sa poule, G2 roule sur 100 Thieves (16-03 / 16-02), laisse une map à MOUZ par politesse (13-16 / 16-06 / 16-07) et passe Liquid sans encombre (16-11 / 16-10). La porte des demi-finales est ouverte. Pendant ce temps, Vitality s'embourbe contre Astralis et FaZe, terminant son tournoi avant même que le public n'arrive.

Dans le dernier carré, fnatic accroche un peu plus G2 avant de lâcher l'affaire, 16-12 / 11-16 / 16-12. Pour la première fois, une équipe à majorité française se hisse en finale à Katowice ! Mais la fête est de courte durée. D'abord parce qu'en raison d'un certain virus Covid-19, les spectateurs ne sont pas autorisés à rentrer et la Spodek Arena sonne bien vide. Ensuite parce que Na'Vi, l'opposant de la finale, n'a pas de temps à perdre et va douloureusement le faire comprendre à G2. 16-04 / 16-13 / 16-02, la finale fait pschit et les ambitions françaises s'éteignent une fois de plus. kennyS, qui rêvait de jouer devant une arène pleine, n'a plus que des regrets à la bouche :

Ça va être la première fois que tu vas atteindre la Spodek Arena, est-ce que c'est une case que tu avais cochée, parce que tu as quasiment tout fait hormis cette scène ?

Je n'en ai pas fait une obsession mais oui, inconsciemment, ça me pesait un petit peu. Je sentais qu'on était plus armés que toutes les fois où je suis venu à Katowice avant. Ça fait vraiment plaisir ! Ce que j'aime le plus dans le job qu'on fait, c'est vraiment les scènes. Je suis vraiment content de jouer au Spodek, on va faire le spectacle, j'adore le spectacle et c'est pour ça que les scènes sont là.

Quelques heures après cette interview, ESL annonce qu'il n'y aura pas de public à la Spodek Arena en raison de l'épidémie de Covid-19. Forcément, deux jours plus tard, lors d'une seconde interview, la déception est palpable.

Un mot à rajouter sur l'absence du public ?

Ça fait mal. Vraiment, ça fait mal. Même la cérémonie d'entrée, elle est vraiment jolie, il y a du feu, des portes qui s'ouvrent... Ça m'a fait mal rien que de voir ça. Au fur et à mesure, tu rentres dans ton match et tu fais un petit peu abstraction du fait qu'il n'y a pas de public. Mais ça nous rend un peu tristes quand même.

Ah, et le rite funéraire se poursuit. Cette fois, une semaine après le tournoi, c'est ALEX qui annonce son départ de Vitality.

Bilan : top 2 pour kennyS, JaCkz et AmaNEk avec G2, top 9/12 pour Vitality.


Le Spodek vide. Si seulement on avait su pour la suite...

 

IEM Katowice 2021 : bof, qui se souviendra d'un événement sur Internet ?

Cette édition 2021 n'a de Katowice que le nom. La compétition ne se déroule pas en Pologne mais en ligne en raison des conditions sanitaires toujours tendues suite à la crise de Covid-19. Autant dire que, de base, la hype n'est pas vraiment au rendez-vous, et les résultats français ne vont pas améliorer les choses.

Vitality, malgré sa line-up à six (apEX, RpK, ZywOo, shox, misutaaa, Nivera), perd face à Liquid et Virtus.pro, direction la sortie. Pas beaucoup mieux pour kennyS et AmaNEk avec G2, qui subissent également la loi de la région CIS lors de leurs deux défaites contre Spirit puis Gambit. En lice avec OG, NBK fait encore moins bien que tous ses compatriotes en ne gagnant pas une seule carte au moment d'affronter Vitality et Gambit.

Tout le monde est donc sorti en poules, merci bonsoir. Pour les traditionnels transferts post-Katowice, les malheureux s'appellent kennyS, remplacé par JaCkz quelques jours plus tard, et NBK, placé sur le banc d'OG avant même la fin officielle de la compétition.

Bilan : top 7/8 kennyS et AmaNEk avec G2, top 9/12 pour Vitality, top 13/16 pour NBK avec OG.


Ça roulait encore bien pour kennyS en 2020, mais nettement moins un an plus tard

 

Bilan général

En huit ans de Katowice (dont une année sur Internet), les résultats français, c'est :

  • 2 apparitions en finale (kioShiMa avec FaZe en 2017 ; kennyS, JaCkz et AmaNEk avec G2 en 2020).
  • 4 apparitions en play-offs (les deux finales, le top 5/8 de Team-LDLC à Katowice 2014 et le top 3/4
    de Team-LDLC à Katowice 2015).
  • 12 éliminations en poules.

Le réel problème de Katowice, ce sont les dates où le tournoi a lieu, généralement en mars. À cette période, soit les équipes françaises ont réalisé des shuffles et transferts durant l'hiver et elles se cherchent encore ; soit elles n'en ont pas encore réalisé et apparaissent du coup en bout de course parce que la longévité n'a pas été leur fort durant longtemps, ce qui explique les changements qui ont lieu directement après la compétition.

Après, cette situation est la même pour tout le monde, alors ce n'est peut-être pas une réelle excuse. Tant pis. Continuons de patienter et espérons qu'un jour, la France rejoindra la Pologne, la Suède, le Danemark, l'Ukraine, la Russie et le Kazakhstan dans le cercle des pays ayant vu au moins un de leurs membres triompher à Katowice.

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